Kichizo Inagaki, le mystérieux ébéniste japonais

Paris, le 6 décembre 2012

Kichizo Inagaki, le mystérieux ébéniste japonais

Kichizo Inagaki est un ébéniste japonais qui a côtoyé les grands artistes et collectionneurs de son temps à Paris, mais qui pourtant reste un inconnu. Il a révolutionné par son travail raffiné les supports d’art africain et océanien et était prisé du Tout-Paris au XXe siècle.

Kichizo Inagaki est né en 1876 dans la ville de Murakami (préfecture de Niigata, sur l’île de Honshu au Japon). Son père est un artisan et un menuisier au palais, connu pour ses sculptures et excellant dans l’art du laque et de l’arrangement floral — ikebana en japonais. Kichizo se rend à Tokyo pour finir ses études, mais repart dans sa ville natale à la mort de son frère. Il fait très vite preuve d’un réel talent et d’une maîtrise des arts traditionnels. Il remporte plusieurs concours : en 1894, il obtient la deuxième place d’un concours de sculpture, et 1899 il sera récompensé d’un troisième prix au Concours national des maîtres laqueurs.

Kichizo est de plus en plus tenté de retourner à Tokyo pour terminer ses études. Devenu chef de famille à la mort de son père, sa mère le laisse, avec réticence, partir pour la capitale. Il suit là-bas des cours de sculpture sur pierre et de modelage. Assidu et consciencieux, il obtient son diplôme en 1904. Il s’envole alors pour Hong Kong, puis pour Paris en 1906. À cette époque, Paris attire de nombreux artistes japonais désireux de découvrir les arts et techniques d’Occident. Pendant un temps, Kichizo, parlant mal français, est obligé de vendre des petites sculptures pour survivre. Il est très vite remarqué par des antiquaires qui lui confient la mise en socle de pièces archéologiques ou primitives. Employé par Joseph Brummer, l’artiste fait alors la connaissance de Rodin. Cherchant quelqu’un capable de restaurer les pièces de sa collection, Kichizo lui apparaît comme l’homme idéal. Très vite le Tout-Paris va s&rsquo ;arracher les créations de Kichizo Inagaki : Paul Guillaume, Louis Carré, Béla Hein, et bien d’autres ont recours au service du Japonais. Contrairement aux autres ébénistes, Kichizo fait en sorte de ne pas altérer la sculpture qui lui a été confiée et crée un socle pouvant « fusionner » avec celle-ci. Il est également à l’origine d’une finition de bois tout à fait particulière faisant apparaître un léger veinage, le plus souvent blanc, mais qui pouvait aussi être rouge, vert, or ou argent.

Cependant, la mise en socle ne représentait qu’une partie des activités de Kichizo Inagaki, remarque le magazine Tribal Art. En effet, l’artiste a réalisé des meubles et des éléments de mobiliers pour la créatrice Eileen Gray, dès 1918. Le doute plane aujourd’hui quant à l’authenticité de certains meubles d’Eileen Gray : quelques-uns devraient être attribués au Japonais. Un certain nombre d’objets créés des mains de Kichizo ont été conservés par sa famille, dont un paravent en bois de palmier et en osier, un bureau qu’il a créé pour l’anniversaire de sa femme, des cannes, ou encore des petites boîtes. On lui doit d’ailleurs l’un des coffrets du parfum Nuit de Chine, distribué par le couturier décorateur Paul Poiret. On découvre ainsi que Kichizo n’était pas qu’un simple artisan au service des antiquaires, mais bel et bien un artiste aux multiples talents. De son vi vant il n’a jamais reçu l’attention du public en raison de sa discrétion et des mentalités de l’époque — Rodin et lui souhaitaient organiser une exposition au Palais de Tokyo, en vain —, mais aujourd’hui on apprend peu à peu à redécouvrir son travail.