David Serra, passeur des cultures du monde

« Connaissances, expérience, sérieux et passion. » Avec ces quelques mots, le galeriste barcelonais David Serra résume les qualités qui font les bons experts. Spécialiste de l’art africain, son intérêt ne se limite pourtant pas aux cultures subsahariennes. Art océanien, art d’Amérique du Nord ou du Sud, toutes les cultures du monde retiennent son attention.

« Je suis de ceux qui croient en la qualité de l’œuvre et en ce qu’elle exprime, explique-t-il. Si elle te plait, peu importe sa région d’origine […]. L’art ne connaît pas de frontières. »

Cette passion pour les « cultures exotiques », il confie la cultiver depuis sa plus tendre enfance : « Je me rappelle que j’aimais déjà une poupée akwaba Ashanti du Ghana qui se trouvait dans la maison de mon père, il l’avait acquise dans les années 1960 à Paris. » Sa mère, elle aussi grande voyageuse et collectionneuse, vendait alors des bijoux ethnographiques. Il grandit ainsi au milieu de ces objets du monde entier collectés par ses parents, visite la Fondation Folch et le musée ethnologique de Barcelone, rencontre Eudald Serra, le grand sculpteur barcelonais qui le fascine avec ses récits de ses voyages.

Statue eyema byeri du culte des ancêtre, Fang, Afrique équatoriale, H.41 cm, XIXe siècle, Provenance : Collectée avant 1916 au sud du Cameroun par un militaire allemand - Loed Van Bussel, Amsterdam - G. Gili-R. Amoros Collection, Barcelona.

Après des études de droit et de philosophie, il décide de se consacrer à sa « véritable passion », les voyages et l’art des cultures du monde. Sa carrière l’emmène un peu partout en Afrique occidentale, orientale et centrale où il séjourne pendant de longues périodes. Là-bas, il organise des voyages spécialisés au cours desquels il approfondit sa connaissance des cultures de ces régions, visite des musées et des collections du monde entier et se met à dévorer la littérature spécialisée. Lorsque son épouse Mercedes change d’orientation professionnelle en 1998, leur décision est prise : ils ouvriront deux espaces pour se dédier à leur passion, l’un à Sant Cugat del Vallès et un autre sur le Paseo de Gracia, dans le centre de la capitale catalane. En 2004, ils inaugurent un nouveau lieu dans le quartier du Borne où ils organisent des expositions thématiques et des conférences en collaboration avec les musées Barbier- Mueller et Picasso de Barcelone. « Depuis le début, nous essayons de sélectionner des pièces qui répondent à nos critères d’authenticité et de qualité », précise-t-il.

Harpe Zande, République Démocratique du Congo, H. 97 cm, 19ème siècle, Collectée par les Pères Crosiers du Vicariat de Bondo entre 1925 et 1940

Pour s’adapter aux évolutions du marché et son entrée « dans l’ère virtuelle », il s’intéresse aux nouveaux modes d’exposition et de vente. Avec son fils, Ivan, il est en train de développer un projet numérique pour proposer chaque mois une exposition virtuelle à ses collectionneurs et à ses visiteurs.

« Le collectionneur d’aujourd’hui est plus éclectique et choisit une pièce qui lui plait en pensant également à l’espace où il pourra la présenter pour en profiter. »

« Dans notre domaine, il est très important d’assister physiquement aux expositions pour que le client puisse voir les pièces d’une façon optimale, surtout quand il s’agit de sculptures tridimensionnelles, explique-t-il. Étant donné qu’en ce moment les expositions sont limitées, nous avons dû nous réinventer en tant que galeristes en essayant de dynamiser notre activité par le biais de la création d’un espace virtuel. »

Fétiche Bwende, Congo Brazzaville, H. 17 cm, 19ème – début 20ème, Provenance : Collection Christophe Tzara, Paris -Sotheby’s Londres 8 Juillet 1969 nº 158 - Collection Ralph A. Ellison, New York - Ron Nasser, New York - Collection Daniel et Carmen Klein

Une manière également de s’adapter aux nouvelles demandes des collectionneurs. « Le collectionneur d’aujourd’hui est plus éclectique et choisit une pièce qui lui plait en pensant également à l’espace où il pourra la présenter pour en profiter. Avant, l’amateur collectionnait des objets sur une thématique ou une région déterminée, sans prendre forcément en compte l’endroit où il allait les exposer. »

Aujourd’hui, son maître mot est la transmission. « Notre travail doit se concentrer sur la diffusion de notre passion et de nos connaissances aux collectionneurs d’autres disciplines, afin qu’ils se rendent compte que l’art tribal a été, et est, fondamental dans l’histoire de l’art. » Et pour éviter que l’art tribal se ne renferme trop sur lui-même.

www.davidserra.es