Paris, le 19 septembre 2012
Coiffés, tressés, coupés, rasés, portés en perruque ou en broche, investis de pouvoirs ou de la mémoire d'un être cher, les cheveux subissent de multiples traitements à travers les époques et les cultures qui sont loin d'être de simples caprices capillaires. La nouvelle exposition du musée du quai Branly « Cheveux chéris » explore l'ensemble des codes sociaux et culturels liés à cette matière organique au sommet du crâne de l'humanité.
À l'entrée, les portraits sculptés de marbre blanc font face aux bustes ethnographiques de bronze ou de pierres sombres réalisés par Charles Cordier et Charles Lemarquier décrivant le type de la femme noire, de l'asiatique et du Papou de Nouvelle-Guinée. Le cheveu au naturel, crépu, ondulé ou lisse renvoie de lui-même à l'origine ethnique de l'individu et porte ici le sceau de sa discrimination. Un même traitement de la chevelure aura une signification très différente selon les époques et les cultures. Ainsi les cheveux longs de Marie-Madeleine couvre sa nudité tandis que ceux de Picasso sont un signe de protestation contre l'occupation de la France. Mais la blondeur évanescente des stars de cinéma et celle enchanteresse de la sirène du tableau de Victor Mottez intitulé Ulysse (avant 1848) signent toujours la beauté et la séduction.
Au-delà de l'apparence, la chevelure ou son absence correspond à une position sociale de l'individu. Ainsi la tonsure des renonçantes bouddhiques ou des jeunes initiés Akélé du rite Mriwi au Gabon. Elle sert parfois au contraire à brouiller les pistes de son identité comme dans les portraits des photographes Ella Dreyfus et Thérèse Le Prat. Loin d'être uniquement séduction et frivolité, le cheveu peut être aussi un outil de contrôle politique et un instrument d'humiliation comme le rappelle, au cœur de l'exposition, la glaçante photographie de cette femme tondue prise par Robert Capa pendant la Libération.
La seconde partie de l'exposition se penche sur la portée symbolique des cheveux et sur leur utilisation. En Europe, ils sont encadrés comme souvenir d'un défunt. En Amérique du sud, ils ornent les parures des Jivaro faites de plumes de toucan ou d'élytres de coléoptères. Réceptacles du pouvoir, ils sont utilisés comme matière première dans les coiffes-trophées des Cree ou la coiffe de chef Fang nommée nlo-ô-ngo (avant 1899). Comme matière imputrescible, le cheveu accompagne souvent les rituels liés à la mort, celle d'un membre de la communauté (masque Kanak fait des cheveux de deuilleurs) ou celle d'un ennemi (les têtes réduites Jivaro aux chevelures précieusement conservées lors de la transformation). Il accompagne aussi le défunt telle la momie Chancay du Pérou (entre 1000 et 1450) exposée à la fin de parcours où s'étiole quelque peu le propos de l'exposition.
Entre frivolité et trophée - sous-titre de l'exposition - le cheveu est autant instrument de séduction qu'une matière première chargée de symboliques fortes, notamment dans sa proximité à la mort. Le propos de « Cheveux chéris » est dense voire édifiant dans la confrontation de certaines œuvres, sans n'être jamais frivole.