Une vente particulière

Paris, 15 septembre 2018

Certaines ventes aux enchères marquent leur temps, permettent d’établir (l’amorce d’)une cote, témoignent d’un changement d’ère. Ce fut le cas de Victor Choquet avec Cézanne, ou de Sean Scully avec le Pop Art. Peut-être Pierre Loos amorcera-t-il de la même manière la cote des artistes modernes congolais ?

«En trois parties, cinquante ans de ma vie vont défiler et correspondre à ce que je suis, à mon désir de transmettre aux autres. Pour quelqu’un comme moi, qui a eu la chance de voyager, partir sans transmettre, c’est s’enfuir comme un voleur. Quand certains construisent des murs, je préfère les ponts ». Le célèbre marchand belge s’apprête à céder en trois ventes consécutives chez Piasa, les17 et18 septembre prochain, une partie de son importante collection.

La première sera consacrée aux arts ethnographiques et premiers. Près de 500 lots, plutôt abordables dans leurs estimations. Vont passer sous le marteau de nombreux appuie-têtes, les tissus kuba du Kassaï – que Pierre Loos a contribué à mettre en lumière –, des statuettes votives...

La seconde vente sera dédiée au photographe Casimir Zagourski. «Ce polonais a débarqué au Congo en 1927 après avoir quitté l’armée tsariste sous la pression des Bolcheviks, explique Pierre Loos. À l’origine, il était photographe dans l’aviation de l’armée impériale. Il a débarqué à Kinshasa en essayant de gagner sa vie. Il a fait une chose que les autres ne faisaient pas : photographier les gens. En six ou sept voyages en vieille Ford T dans les tribus, il a réalisé près 1.600 clichés parmi lesquels il en a sélectionné 440 qu’il a édités en photo format carte postale en plus d’une cinquantaine de grands tirages uniques».

La vente phare sera consacrée à l’art moderne congolais (1920-1960), que Pierre Loos a collectionné avec passion – facilité par sa proximité avec les milieux coloniaux belges, qui ne voyaient souvent dans ces peintures que l’expression naïve d’indigènes. En particulier, la vente se focalisera sur les artistes de l’atelier de Romain Desfossés. Pierre Loos avait prêté une large partie de sa collection pour l’exposition «Beauté Congo» organisée par André Magnin à la fondation Cartier en 2014. Quelques pièces des artistes principaux de l’atelier Desfossés, comme Pilipili Mulongoy, Bela, Raphaël Kalela, Sylvestre Kaballa ou Mwenze Kibwanga seront proposées à la vente (les estimations allant de 4.000 à 15.000 € environ). La pièce phare sera un paravent réalisé à six mains par Pilipili Mulongoy, Bela et Raphaël Kalela, estimé entre 150 et 200.000 €. « Je n’espère pas obtenir de grands prix parce que c’est le début, mais en tout cas, je caresse l’espoir que cette vente fixe le socle autour duquel va se développer le marché de l’art moderne congolais. Je pense que ça va être une explosion », prophétise Pierre Loos.

À noter également que le marchand belge s’apprête à ouvrir un cabinet d’expertise sur cette école moderne congolaise, et qu’il prépare depuis plusieurs années une publication extensive avec Thomas Boyer sur le sujet. « Ce livre sera la bible de l’art peint congolais entre 1928 à 1960, s’enorgueillit le marchand. Personne ne pourra faire mieux, parce que nous avons accès à trente ans d’achats de ma part, et de nombreuses archives que nous avons connectées. »

Arts Premiers et Ethnographie. Le lundi 17 septembre. Art Moderne Africain. Le mardi 18 septembre. Photographies de Casimir Zagourski. Le mardi 18 septembre. Piasa. 118 rue du Faubourg Saint-Honoré. Paris 8e. www.piasa.fr