3 questions à Stéphane Jacob

Paris, 5 septembre 2018

Quelle est la dynamique du marché des arts aborigènes ?

2018 s’avère être une excellente année pour l’art aborigène qui poursuit sa conquête des territoires ! Cet intérêt se situe aussi bien au niveau institutionnel, qu’à celui des collections privées ou encore des foires et des ventes publiques. Le mois de janvier a été marqué par la fin d’une exceptionnelle exposition de huit mois « L’effet Boomerang » organisée par le dynamique Musée d’Ethnographie de Genève (MEG) ainsi que d’une exposition que j’ai coproduite avec le MEG et l’Université de Genève sur l’art des ghostnets (ou « filets fantômes »). Les Musées de New Delhi, de Berlin ou encore en ce moment même l’Ubersee Museum de Brème ont produit des focus remarqués sur l’art des Aborigènes et des Insulaires du détroit de Torres. On peut évoquer également le Musée de Vichy qui par ses acquisitions régulières en art aborigène permet l’accès de ces œuvres à un public de plus en plus large. Les fondations et collections privées font également un travail remarquable à l’instar de La Grange près de Neuchâtel avec son exposition « Islands in the Sea » (jusqu’au 28 octobre) ou encore la récente exposition de la Collection de Berengère Primat et la création près de Crans-Montana par cette philanthrope passionnée de la toute nouvelle Fondation Opale qui « entend favoriser le dialogue entre l’art aborigène et l’art contemporain, en tant que lieu d’expositions, de rencontres et de recherche de référence». On citera enfin la Fondation Peter Wilmot Thompson au Sculpture Park Wesenberg (Allemagne) présentant chaque année un riche programme autour de l’art australien.

Que comprendre du dreamtime en tant qu’Occidentaux ?

Il y a de multiples façons d’aborder ce concept si particulier qui relate par le biais de récits extraordinaires non seulement la création du monde, mais aussi tout ce qui constitue notre lien à l’autre. Il définit et régit les règles de vie, les liens de parenté, les usages et coutumes. Il se transmet entre autres par le biais des chants, des danses, de la peinture... Il se manifeste par de multiples biais et offre une gamme quasi illimitée de niveaux de compréhension. En tant qu’Occidental nous n’en percevons très probablement qu’une infime partie, mais peut-être est-ce là où réside la beauté des choses et la magie de cet art. Nous savons que nous n’en saisissons que des bribes, mais nous savons également que ce nous en ressentons est essentiel, qu’il exprime la quintessence de l’être dans une relation intime et immuable avec la terre. L’art n’est pas que question de compréhension, il est aussi vecteur d’émotions.

Quelle est l’importance du dreamtime pour la reconnaissance de la culture aborigène en Australie et à l’international ?

Le dreamtime ou « Temps du Rêve » contribue par son unicité à faire de l’art aborigène un mouvement artistique exceptionnel et qui s’inscrit dans l’Histoire de l’art d’une manière singulière. Regarder une œuvre aborigène c’est s’immerger dans un récit extraordinaire, une sorte d’épopée dans laquelle nous sommes entraînés... L’art aborigène est extrêmement lyrique, théâtral, poétique, onirique... Il touche donc à nos émotions et s’offre à nous dans son universalité. Cette référence au «Temps du Rêve » agit, de façon imagée, comme une sorte d’ambassadeur de la culture aborigène. Bien évidemment il ne résume pas toute la richesse de cette culture plurimillénaire aux contours si multiples, mais il est certainement l’un des points d’entrée.